Il y a deux ans, une très vieille tombe entourée d'une grille en fonte rouillée était découverte dans le cimetière communal. Sur la pierre, une inscription : « Brunner Xavier, mort pour la France ».
Les choses, sans doute, en seraient en rester là si le rapprochement n'avait pas été fait entre ce défunt et le soldat de la guerre de 1870 dont la fin tragique est évoquée dans l'ouvrage de Marcel Dorigny « Quatre villages à travers les siècles ».
« C'est ainsi que le 1er septembre », écrit l'historien local, « un soldat du 1er Régiment du Train d'Artillerie fut rencontré près d'Aiglemont, au lieudit le Chemin des Vaches par une patrouille de Uhlans. Blessé au visage et jeté à bas de son cheval, il fut achevé et littéralement haché à coups de sabre ».
Une recherche en mairie de l'acte de décès permit définitivement de lever les doutes : la tombe était bien celle de ce militaire, âgé de 26 ans, né à Neidermagstatt, dans le département du Haut-Rhin, mort le 1er septembre 1870, à la veille de la capitulation de Sedan, chez un agriculteur du village qui l'avait recueilli, Jean-Louis Bajot.
Très vite, la décision fut prise de restaurer la tombe érigée à l'époque grâce à une souscription lancée auprès de la population d'Aiglemont. Très vite également vint à l'esprit du maire, Philippe Decobert, de retrouver ses descendants par le biais de la généalogie dont il est un passionné.
Et les efforts finirent par être récompensés puisque des personnes descendant du père et d'un frère de Xavier Brunner purent être identifiées.
Sept d'entre elles étaient à Aiglemont ce week-end, invitées par la commune à une cérémonie destinée à raviver la mémoire de leur ancêtre.
« L'orgueil allié à la raison d'Etat »
Laurent Brunner et son épouse, Michel Brunner et son épouse, Edouard Kessler et son épouse, et Philippe Baumlin, l'ont avoué : ils ne s'attendaient pas à trouver la tombe aussi parfaitement remise en état, avec une plaque nouvelle en granit noir.
Ils ne s'attendaient pas que soit rendu un tel hommage à Xavier Brunner en présence de personnalités dont le sénateur Marc Laménie, la députée Bérengère Poletti et bien sûr des élus aiglemontais.
Des représentants des associations patriotiques et des membres de l'association Le Miroir, en tenue d'époque, participaient également à cette manifestation.
Philippe Decobert a expliqué que sa commune avait agi ainsi afin d'éviter que le nom du soldat Brunner ne disparaisse, « emporté dans le tourbillon de l'indifférence et de l'ingratitude ».
Il a promu ensuite Xavier Brunner « enfant du village » et fit sienne enfin la devise qui rassemblait jadis les vétérans des armées de terre et de mer de la guerre de 1870 : « Oublier… Jamais ! »
Philippe Baumlin, au nom de la famille de Xavier Brunner, a quant à lui suscité l'émotion en s'adressant à l'assistance en ces termes : « Vous honorez aujourd'hui non seulement un soldat mort pour sa patrie, mais aussi un enfant qui a été enlevé à l'amour de sa famille, par l'orgueil, allié à la raison d'Etat ».
La cérémonie a été suivie d'une conférence de Stéphane André, conservateur du musée Guerre et Paix, sur la bataille des Ardennes en 1870.